Salut, Alexandre Adler !

Salut, Alexandre Adler !

Chère Blandine,

Le devoir m’appelle, en ces jours douloureux, à t’adresser mes plus sincères condoléances, mais c’est dans un état d’infinie tristesse que je le fais. Qu’Alexandre ne soit plus – qu’il ne réponde plus jamais à mes appels, qu’il ne soit plus en retard à nos rendez-vous, qu’on ne puisse plus désormais échafauder aucun plan sur la comète – m’est une idée aussi irreprésentable qu’intolérable. Perdre un ami n’est pas chose légère ; c’est perdre un frère, mais, pire encore, c’est perdre le frère qu’on s’est choisi.

Le monde qu’Alexandre quitte, ce monde qui est le nôtre, continuera assurément à tourner à son rythme et aux spasmes qui lui sont propres, mais il tournera désormais avec moins d’intelligence, avec moins d’amitié, avec moins de joie – toutes choses dont Alexandre était un distributeur à la prodigalité inégalée.

J’ai beau chercher dans ma mémoire et chercher encore ; je ne parviens pas à retrouver le moment où, pour la première fois, j’ai rencontré Alexandre. C’était, je crois, à Paris, à la fin des années 80 ou au début des années 90. Un colloque peut-être, où Bronislaw Geremek me l’avait présenté. À moins que cela fût le contraire. Ce que je sais, c’est que, à l’instant-même où nous nous sommes rencontrés, nous sommes tombés en amitié, quand d’autres tombent en amour. Notre regretté Claude Lanzmann croyait aux amitiés natives et instinctives ; Alexandre m’a convaincu qu’il existait, chez les hommes, des coups de foudre amicaux.

Quelques souvenirs me restent, en dépit de ma mémoire défaillante. Au siège de Courrier international, boulevard Poissonnière, dans son petit bureau, Alexandre m’a reçu un jour. Nous avons passé quatre ou cinq heures à discuter, tandis qu’il lisait la presse étrangère attentivement. Devant lui, une montagne de journaux – anglais, américains, allemands, russes, espagnols, italiens –, qu’il parcourait d’un œil distrait, s’arrêtant juste pour découper un article avec de gros ciseaux, tout en maintenant notre conversation à un rythme allègre. Il stoppe et me questionne : « Tu connais Édouard Boeglin ? » Je lui dis que oui, que c’est un journaliste de L’Alsace. Et Alexandre me fait, aussitôt, tout en continuant à lire attentivement la presse étrangère, une dissertation sur l’évolution politique d’Édouard Boeglin au sein du Parti socialiste, de la Maçonnerie, etc. C’était cela, l’esprit d’Alexandre : capable de synthèses admirables et de rapides raccourcis, tout en maîtrisant les détails les plus méconnus. En y songeant, il y avait du Proust chez Alexandre : l’art conjugué de la synthèse et du détail, mais également – réflexion d’un stupide bergsonien – la pensée et le mouvant.

D’autres souvenirs viennent. Présentant, dès 1994, les Mercredis de l’Histoire, sur Arte, Alexandre venait chaque semaine dans les locaux de France 3 Alsace pour faire un direct. Cela a duré je ne sais combien d’années. J’étais étudiant à la fac de philo de Strasbourg. Chaque semaine, Alexandre Adler m’appelait. On se retrouvait dans l’un ou l’autre restau strasbourgeois. Et on se prenait à refaire la France, l’Europe, le monde. On buvait beaucoup, on mangeait beaucoup, on parlait beaucoup, on rêvait beaucoup. « Beaucoup » est certainement l’adverbe qui correspond le mieux à Alexandre, à sa perpétuelle et insatiable boulimie de savoirs, d’amitié et de nourriture. Peut-être, dans ce « beaucoup », dans cette boulimie tout azimut, verra-t-on la marque de celui qui savait appartenir à un peuple auquel le XXe siècle aura tout refusé, jusqu’à son existence.

Une autre image d’Alexandre me revient. C’était en 1995, à Épinal : dernier meeting de la campagne présidentielle de Jacques Chirac. Philippe Séguin fait un discours splendide. J’étais responsable des jeunes RPR des Vosges à l’époque. Séguin m’avait demandé de faire venir 1000 jeunes pour ce dernier meeting. Comme j’en avais 700 dans ma fédération, j’avais alloué des cars pour en faire venir 300 ou 500 d’Ile-de-France. J’avais réservé un grand restaurant, le « Spinagrill » pour sustenter tout ce monde là : 10 francs, pizza, dessert et vin compris. Ni Chirac, ni Séguin ne vinrent nous rendre visite. Un seul était là, parce qu’il avait été communiste, parce qu’il avait une certaine conception du peuple, c’était Alexandre Adler. Garçons et filles venaient le voir. À l’époque, les selfies n’existaient pas. Le patron du restaurant, Lulu, avait apporté un rouleau de nappe en papier, rouleau que déchirait Alexandre pour signer des autographes…

Bien d’autres choses me viennent à l’esprit. J’ai les yeux tellement embués. La tristesse, la détresse, le désespoir ? Non, juste le sordide sentiment d’avoir perdu un frère dans l’ordre de l’esprit. Alexandre partageait l’idée que Golda Meir exprimait après la Shoah : « Le pessimisme est un luxe qu’aucun juif ne peut plus se permettre. » Et Alexandre Adler, lecteur attentif de Marc Bloch, était vivifié d’un esprit d’optimisme permanent. Il avait une conviction profonde : «  Les gens attachés au bien finissent toujours par l’emporter. »

Revenons à Épinal. C’était en 2019. Mon ami, Stéphane Viry, député d’Épinal, me demande si je peux faire venir Alexandre Adler pour une conférence à la fac de Droit. J’appelle Alexandre. Il refuse. Il hésite. Il argue que sa santé est assez chancelante. Je lui dis que sa venue serait une manière de boucler la boucle. J’ajoute également que je connais bien les Vosgiens : gens fidèles, gens au cœur pur. Alexandre cède à mes petits arguments. Il rencontre Stéphane Viry : un coup de foudre d’amitié se passe entre eux. Plus de 400 personnes sont au rendez-vous dans le grand amphi de la fac de droit. Beaucoup dehors.

Chère Blandine,

Alexandre n’est plus. À cette nouvelle, j’ai pleuré toutes les larmes que mes yeux peuvent pleurer. Et je pleure encore. Nul ne pourrait se résoudre à voir partir un ami tel que lui. Tant de choses nous ont liés ; tant d’événements nous ont réunis, assemblés, liés, unis dans des combats vaillants. Un monde sans Alexandre n’est plus, dans mon cœur, vraiment un monde. Alors, je pleure, chère amie. Et chacune de mes larmes est une prière pour que notre Père éternel accueille Alexandre en son royaume.

La véritable histoire du camion « Gros Léon » selon ChatGPT

La véritable histoire du camion « Gros Léon » selon ChatGPT

Parce que je trouvais l’histoire de « Gros Léon » assez inspirante, j’ai poliment demandé à ChatGpt de m’écrire un conte pour enfants de mots sur « Gros Léon », le camion tout terrain du Département des Vosges, qui nettoie depuis quatorze ans les routes avant que ne passe le Tour de France. J’ai précisé : « Il est conduit par Damien Jacquot. Le Président du Département des Vosges s’appelle François Vannson. Quand le camion « Gros Léon » ne nettoie pas les routes du Tour de France, il fauche l’herbe des accotements en été et nettoie la neige en hiver. » Le résultat ne s’est pas fait attendre. Mais les journalistes et écrivains ont encore de beaux jours devant eux.

L’histoire façon ChatGPT

« Il était une fois, dans les paisibles montagnes des Vosges, un camion tout-terrain du nom de « Gros Léon ». Depuis quatorze ans, il parcourait les routes du département pour assurer leur propreté avant le passage tant attendu du Tour de France. Conduit par Damien Jacquot, un homme aimable et dévoué, Gros Léon était devenu une véritable légende dans la région.

Mais ce camion ne se contentait pas seulement de nettoyer les routes. Quand l’été arrivait et que le Tour de France était terminé, Gros Léon se transformait en un véritable allié pour entretenir la beauté des Vosges. Il se lançait dans la tâche de faucher l’herbe des accotements, laissant derrière lui des paysages impeccables et accueillants pour les visiteurs.

Et lorsque les premiers flocons de neige se posaient délicatement sur les sommets des montagnes, Gros Léon se mettait en action pour déblayer les routes enneigées. Il était là, fidèle au rendez-vous, prêt à affronter les intempéries hivernales pour que les habitants puissent vaquer à leurs activités en toute sécurité.

L’histoire de Gros Léon était connue de tous, et il était devenu une figure emblématique du département des Vosges. Les enfants l’adoraient et lui donnaient des surnoms affectueux, comme « Super Léon » ou « Le Gardien des Routes ». Chaque année, ils attendaient avec impatience le passage de Gros Léon, l’acclamant et lui faisant de grands signes lorsqu’il passait devant leurs maisons.

Mais un jour, une tempête particulièrement violente s’abattit sur les Vosges. Les routes étaient bloquées par d’énormes amas de neige, rendant les déplacements impossibles. Les habitants étaient inquiets et se demandaient comment ils allaient pouvoir se débrouiller.

C’est alors que Damien Jacquot, le fidèle conducteur de Gros Léon, prit une décision audacieuse. Il savait que son camion était le seul capable de venir à bout de cette situation. Sans hésitation, il monta à bord de Gros Léon et se lança dans une aventure périlleuse pour déblayer les routes.

Les habitants observaient, admiratifs, le courage de Damien et la puissance de Gros Léon. Le camion tout-terrain se fraya un chemin à travers les congères, soufflant la neige avec sa lame et permettant aux voitures et aux piétons de circuler à nouveau. C’était un véritable miracle.

Après des heures d’efforts acharnés, Gros Léon et Damien avaient réussi leur mission. Les routes étaient à nouveau praticables, et les habitants étaient soulagés. Ils exprimèrent leur gratitude envers Damien et Gros Léon, les considérant comme de véritables héros.

Depuis ce jour, Gros Léon était encore plus respecté et aimé dans les Vosges. Son dévouement et son courage étaient reconnus de tous. Chaque été, quand le Tour de France passait, les spectateurs acclamaient Gros Léon, se souvenant de son incroyable exploit.

Et Damien Jacquot, le conducteur dévoué, fut honoré par le Président du Département des Vosges, François Vannson, pour son engagement et sa contribution exceptionnelle à la sécurité et au bien-être de la région.

Ainsi se termine l’histoire de Gros Léon, le camion tout terrain du Département des Vosges. Une histoire qui nous rappelle l’importance du travail d’équipe, du courage et de la détermination pour surmonter les obstacles et rendre notre monde meilleur. »

Tour de France. Maillot jaune pour le Gros Léon

Tour de France. Maillot jaune pour le Gros Léon

Pour la quatorzième année consécutive, c’est un Vosgien qui arrivera en tête de chaque étape du Tour de France. Son nom : le Gros Léon ! Pourtant, il n’a jamais remporté le maillot jaune. Et pour cause : le Gros Léon n’est pas un coureur comme les autres, mais le camion Mercedes tout terrain, que le Département des Vosges met à disposition des organisateurs du Tour pour nettoyer la chaussée avant le passage des cyclistes. Son rôle : balayer les objets et gravillons qui pourraient provoquer des chutes, tout en refroidissant le bitume en l’arrosant.

Bonne route au Gros Léon !

Hier, à Remiremont, le président du Conseil départemental des Vosges, François Vannson, est venu souhaiter bonne route au Gros Léon. Son conducteur, un agent de la collectivité, Damien Jacquot, a pris la direction de Bilbao, où le Tour s’élancera le 1er juillet pour une première étape de 182 km.

Aux yeux de François Vannson, le Gros Léon, dont les flancs sont marqués du logo territorial « Je vois la vie en Vosges », est un ambassadeur de taille pour les Vosges : « Il rappelle à tous l’attachement de notre territoire à la pratique du vélo et il assure la promotion du Département. C’est un excellent vecteur de communication. »

Un athlète lorrain de poids

Et le 23 juillet, quand le Tour sera arrivé à sa dernière étape sur les Champs-Élysées, que deviendra le Gros Léon ? Il retournera dans les Vosges pour y reprendre sa vie normale : faucher les accotements en été, déblayer la neige en hiver. Profitez du Tour de France pour saluer cet athlète lorrain de poids !

Littérature télévisuelle : la bêtise connaît des états purs

Littérature télévisuelle : la bêtise connaît des états purs

C’était le 31 mai dernier sur France 5, dans l’émission animée par le sémillant Augustin Trapenard, « La Grande Librairie », la dernière de la saison – et, peut-être, la dernière tout court. Il était alors question de réunir des écrivains pour évoquer leur « Bibliothèque idéale » et parler des « classiques » de la littérature. Sur le plateau, un aréopage d’auteurs à succès (plutôt qu’à talent) avait été choisi : Philippe Besson, Faïza Guène, Mathias Enard, Katherine Pancol, Caryl Ferey et Chloé Delaume.

Haïr la littérature : nous répondons présents !

Que se passa-t-il ? Rien, d’un point de vue littéraire et intellectuel. Tout, du point de vue de ces prétendus « écrivains », qui ont érigé en principe absolu l’exécration de toute littérature possible – une chose pas étonnante pour des gens qui n’en font pas et qui n’en feront sans doute jamais.

On a ainsi assisté au spectacle assez navrant d’un Mathias Enard démolissant Stendhal, à la manière du premier Taliban venu, qui vous fait exploser les bouddhas de Bâmiyân quand ça lui chante. Même pas peur. Avec en supplément, un ricanement gras, laid, bête, petit, le ricanement de celui qui sait que ses propos le caractérisent physiquement autant que moralement.

Mais l’apothéose – plus exactement le naufrage absolu, genre Radeau de la Méduse sans Géricault ni radeau d’ailleurs – fut atteinte par une certaine Faïza Guène. Elle se met à dézinguer La Métaphormose de Franz Kafka :

« En gros, c’est un mec qui se lève un matin. Il a la flemme. Il va pas au travail et il se transforme en cafard. Je vous le fait vraiment très grossièrement. Et voilà. Et alors, euh, je comprends, avec le recul et à mon âge, la métaphore, euh, et ce qu’il peut y avoir de très fort et de très important dans ce texte, mais vraiment, je tiens à parler de, comme un classique, je l’ai lu, jeune et, donc, voilà comment je l’ai reçu. Je l’ai reçu comme un texte, mais désespérant. Alors je sais que je suis un peu « Candy shop » avec mes histoires du Petit Prince, mais je préfère ça, à seize ans, à la Métamorphose de Kafka. Parce que je fais encore une alerte spoiler comme, tout à l’heure, Katherine, il meurt à la fin, seul, dans sa chambre, asséché. C’était le terme exact. […] Ouais, et j’ai envie de dire, euh, il se transforme en cafard, et alors ? […] Moi j’avais envie de lui foutre un coup de Baygon à la page 50… »

Admirons instantanément le style, la syntaxe, la hauteur de vue qui qualifient aujourd’hui les grands écrivains que l’on invite sur le service public… Vous avez aimé Julien Green ou Philippe Sollers chez Pivot ? Rendez-vous désormais avec MachineChose invitée chez MachinTruc. Vive le progrès !

Sur le coup, il faut reconnaître à Mathias Enard, Katherine Pancol et Chloé Delaume d’avoir défendu Kafka devant une telle avalanche de bêtises.

Aimer Kafka, pour de bon ?

Parce que la petite nouvelle qu’est la Métamorphose reste pour la littérature (et la littérature vraiment générale que défendait René Étiemble, c’est-à-dire la littérature mondiale, universelle, celle qui s’adresse au cœur humain puisque c’est l’Homme qui est son unique objet, depuis les Grecs et les Latins jusqu’aux Français, aux Allemands, aux Anglais et jusqu’à tout le genre humain lorsqu’il se met en quatre pour produire des œuvres de l’esprit), cette petite nouvelle de Kafka, donc, est certainement, dans l’ordre littéraire, la forme la plus absolue de la métaphore (l’humain oppressé par son entourage et se muant en insecte, jusqu’à en mourir), mais c’est aussi la prémonition la plus éclairée de ce que le XXe siècle allait engendrer comme métaphore prise au propre, prélude à tout totalitarisme, voire à tout génocide.

D’une chose à l’autre. Primo. Chez Madame MachinChose, qui vend des bouquins comme la première influenceuse venue, nul n’ira la chercher sur le terrain de la critique littéraire. La critique littéraire est établie. Tout comme la critique musicale. Les « J’aime / J’aime pas » n’ont pas cours en ce domaine. Toute critique est fondée dans un ordre qui s’appelle la rationalité. Parce que la vraie critique (qui est, au fond, le produit ultime des Lumières) se fonde en raison, non en sentiment.

Secundo. L’art des tropes et des métaphores (que Kafka porte à son point absolu dans La Métamorphose) est un art rigoureux. Excessivement rigoureux. Quand Madame MachinChose décide de gazer Kafka « dès la 50e page », on peut évidemment, comme nous le suggère l’ami Guy Konopnicki, se demander si l’inconscient antisémite ne serait pas à l’œuvre dans tout ça.

Concluons. Que de tels plateaux soient organisés sur des chaînes privées ne me dérangerait pas. Mais que l’État finance, non plus avec la redevance mais avec nos impôts, de tels débats littéraires, où sont conviés les moins écrivains de nos écrivains contemporains, m’agace un peu.

Opéra : tout va mal, très mal

Opéra : tout va mal, très mal

Depuis le début de l’année, 192 productions ont été supprimées des scènes lyriques françaises. Les grandes maisons sont passées à l’heure des économies d’échelle. En Alsace, l’Opéra du Rhin a réduit le nombre de représentations du Conte du tsar Saltane, de Rimski-Korsakov, comme de l’œuvre-phare de Monteverdi, Le Couronnement de Poppée.

L’opéra coûte cher

À Montpellier, rien ne va plus : on est dans une dèche telle qu’on remplace des opéras programmés par des versions concertantes. Directeur de l’Opéra de Nancy, Matthieu Dussoulliez s’est confié hier à nos confrères de Libé : « Nous sommes dans une impasse. Tout augmente, sauf les subventions. L’inflation se retrouve à tous les niveaux : l’énergie, les transports, la maintenance. Sans oublier la masse salariale : la hausse du point d’indice des agents publics représente pour nous un surcoût de 400.000 euros, que les pouvoirs publics ne compensent pas. Nous sommes donc obligés de rogner sur la marge artistique et, par conséquent, nous n’avons plus aujourd’hui les moyens de faire tourner la maison à plein régime. »

Œuvre totale par excellence, qui mobilise tout à la fois un orchestre, des voix, une mise en scène, des effets spéciaux (que l’on appelait autrefois deux ex machina), l’opéra coûte cher. Très cher. Mais toujours beaucoup moins cher qu’une émission quotidienne produite par Cyril Hanouna sur C8 ou par Yann Barthès sur TMC. Émissions qui se portent, quant à elles, très bien, malgré la crise et la conjoncture.

L’opéra coûte moins cher que son oubli

Que conclure de cet état de fait ? Une chose très simple, à savoir qu’il est toujours plus lucratif d’abaisser l’esprit plutôt que de l’élever. Ravaler l’esprit humain en sa fange la plus abjecte a toujours garanti des dividendes plus fermes à ceux qui croient que l’ironie facile, la dérision empruntée, le sarcasme à l’emporte-pièce sont maîtres de tout art. C’étaient des succès toujours formidables pour le théâtre obscène des années 100 de notre ère, quand des prostituées étaient saillies par des ânes sur scène ; elles en mourraient, les pauvresses. Et dans les années 1900, force est de reconnaître que le Pétomane du Moulin Rouge, alias Joseph Pujol, de Marseille, rencontrait davantage de succès que l’immense Sarah Bernhardt.

Que vaut donc Monteverdi face à nos nouveaux pétomanes ? Rien. Absolument rien. Rien quand on a accepté qu’un pet issu de l’intestin valait mieux que toute production de l’esprit. En bonne philosophie, on appelle ça le nihilisme. Et c’est lui qui triomphe. Avec lui, gloire à la bêtise et aux bêtes. Gloire à l’idiotie et aux idiots. Et demain, quoi d’autre ? Gloire au fascisme et aux fascistes. Peut-être. Sans doute. Rien n’est moins sûr.

Gloire à la bêtise et à l’idiotie

Parce qu’une société qui délaisse l’opéra et Monteverdi pour aduler les nouveaux pétomanes qui peuplent et saturent son époque se condamne tout entière à finir dans la merde.

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