Rencontre avec Swann Périssé, youtubeuse et humoriste engagée, qui vous emmène sur sa planète hilarante
et militante. Tout sauf calme ! #Lola De Santis
Vous avez fait Sciences Po, puis êtes partie vendre des légumes sur les marchés et jouer dans des bars… Vous avez multiplié les expériences. À quel moment vous êtes-vous dit : “je vais monter sur scène et raconter des choses avec humour” ?
En réalité, à 12 ans puis à 19 ans. J’ai commencé le théâtre au collège. C’était vraiment génial. J’avais écrit mes premiers textes que je jouais pour rigoler devant les parents et la famille, à 12 ans. Puis à 19 ans, j’ai fait un petit spectacle dans un concours organisé à Sciences Po. J’ai fait rire tout le monde, et là, j’ai décidé d’être humoriste.
Mais la réalité de la vie d’humoriste n’est pas très glamour. J’ai fini mes études, le temps de vraiment construire un spectacle. Je l’ai monté, mais ça ne marchait pas. Donc j’ai vendu des légumes sur les marchés. Par contre, sur YouTube, ça marchait. Alors j’ai arrêté de vraiment monter sur scène, et je me suis concentrée sur les vidéos. Et là, presque 20 ans plus tard, j’ai un spectacle qui fonctionne et c’est devenu mon métier à temps plein. Mais je dirais que j’ai vraiment décidé de faire de l’humour sur scène à 19 ans.
Avec votre chaîne YouTube « Swann Périssé », puis « Vert chez vous », vous vous êtes imposée comme créatrice engagée. Qu’est-ce qui a motivé cette orientation vers l’humour écolo et féministe ?
L’humour a toujours été ma manière de m’exprimer. Pour moi, il permet de faire vibrer, de faire comprendre. Avec une blague, tu peux faire passer une idée de manière instantanée, via une image ou une métaphore, ce qu’un livre sérieux ou des chiffres ne permettent pas forcément.
Le féminisme est venu plus tard, en arpentant les plateaux de stand-up, entre 22 et 27 ans. C’était un milieu très masculin. On ne se rend compte de son genre que quand on est ramené à son genre. Et dans l’humour, c’était le cas. On me présentait comme « la touche féminine », « la fille qui fait du one-woman-show ». Quand je me plantais, c’était « parce que j’étais une fille ». Et quand je parlais des mêmes sujets que les garçons, on me disait que j’étais vulgaire. J’ai grandi entourée de femmes, j’ai trois grandes sœurs. Pour moi, la normalité, c’était d’être une femme. Mais ce n’est que plus tard que j’ai pris conscience des discriminations. Ça m’a donné envie de faire des vidéos sur les clichés envers les femmes, le droit à l’avortement, la dictature du corps parfait.
Parlons de votre spectacle Calme. C’est un titre un peu provoc’ pour une artiste qui dit ne jamais l’avoir été ! Pourquoi avoir choisi de parler de la colère ?
Parce que c’est une émotion qui peut sauver la vie. Elle permet de taper du poing sur la table, de ne pas se laisser faire, de revendiquer un monde meilleur. Pourtant, c’est une émotion souvent dévalorisée. On dit que les gens en colère ne savent pas gérer leurs émotions, que les femmes sont hystériques. Mais cette colère m’a permis de me faire une place dans un milieu masculin, de ne pas accepter les scandales écologiques, et de vouloir vivre autrement. C’est une émotion qu’on autorise très peu aux femmes, qui sont censées être coquettes, gentilles. Et c’est dommage.
Justement, c’est une émotion qu’on laisse peu s’exprimer, malheureusement, chez les femmes. Qu’en pensez-vous ?
Je suis entièrement d’accord, c’est vraiment le thème du spectacle. Il faut presque une formation pour réaccéder à sa colère, quand on est une femme. Beaucoup de femmes ne savent même plus être en colère. Une psychologue me disait récemment que beaucoup de dépressions sont liées à cette incapacité à exprimer la colère. Elle se retourne contre soi. Parce qu’on a appris que c’était mal de crier, de refuser fermement. Moi, j’assume cette colère sur scène. Et je dis aux femmes : vous avez le droit de vous énerver.
Comment s’est passée l’écriture de ce spectacle ? C’était plus instinctif ou méthodique ?
Les deux. L’instinct, il faut savoir l’écouter, le laisser mariner. Mais les blagues, c’est méthodique. Il faut que ça fasse rire, il faut un rythme, il faut que tout le monde comprenne pourquoi on rit. Il faut flirter avec la limite de l’indécence et de la politesse. Tout ça, ce sont des heures de travail qui font que ça marche aujourd’hui, qu’il y a du monde dans les salles.
Qu’espérez-vous que le public retienne en sortant de Calme ? Vous aimeriez qu’on rie, qu’on réfléchisse, qu’on change ?
L’objectif premier, c’est de faire rire. Et comme un bon cheval de Troie, l’humour permet de faire passer des idées. Quand on rit, on baisse les barrières, et les idées peuvent entrer. Si les gens ont ri, c’est qu’ils se sont mis à la place de l’histoire racontée. Et comme je raconte des anecdotes de femmes dans notre société, au moins tout le monde s’est mis à la place d’une femme blanche qui se débat avec la vie. Je pense que des messages passent, avec ou sans mon intention.
Quels sont vos projets après la tournée ? Revenir sur YouTube ? Un livre ?
J’arrête la production de ce spectacle en février 2026, donc j’ai encore un peu de temps. Et je travaille sur un projet de maison vivante : une biosphère. C’est une maison très écologique, peu coûteuse à construire, qui revalorise tous les déchets, consomme peu d’énergie, récupère et utilise peu d’eau. Elle utilise le vivant pour régénérer. Il y aura de l’hydroponie partout dans la maison. Je vais y vivre pendant quelques années, et on verra où ça mène. Je compte filmer tout ça et le partager sur les réseaux.
Une dernière chose que vous aimeriez dire à ceux qui ne vous connaissent pas encore ? Pourquoi devraient-ils venir voir Calme ?
C’est toujours difficile de se vendre soi-même. Mais je peux recommander d’aller voir mes contenus sur Instagram, sur YouTube pour avoir un aperçu de mon univers féministe et drôle, qui sort parfois de ce qu’on a l’habitude de voir — et c’est ça qui est bien. Et si ça vous plaît, venez voir le spectacle, parce que c’est encore plus puissant.
Vous avez raté son passage au Casino 2000 de Mondorf-les-Bains ?
Retrouvez Swann Périssé à la salle Poirel (Nancy) le 5 juin ! – poirel.nancy.fr
Plus d’infos sur : www.seeyousoon.info