Habiter la terre

par | 13 juillet 2025 | Culture, Histoire

Jusqu’au 31 décembre, le Mémorial de Verdun présente l’exposition de terre : voyage d’un artiste au cœur du champ de bataille, fruit de la résidence de Thibault Lucas. En interrogeant de manière sensible la porosité des frontières entre ce qui disparaît et ce qui reste, entre ce qui vit et ce qui meurt, elle illustre ce qui se produit quand l’art rencontre l’Histoire du Champ de bataille de Verdun. 

De terre : voyage d’un artiste au cœur du champ de bataille

Mémorial de Verdun – Champ de bataille

Pendant un an, le Mémorial de Verdun a accueilli en résidence l’artiste Thibault Lucas. Au fil de ses rencontres et de ses pérégrinations sur le champ de bataille, il s’est imprégné de l’atmosphère de ce lieu emblématique. L’artiste, particulièrement inspiré par cette immersion dans les paysages mutilés et les traces laissées par le conflit sur le terrain, a conçu des œuvres inédites explorant les liens entre nature, histoire et mémoire.

L’exposition de terre constitue le dénouement des recherches et des expérimentations menées par Thibault Lucas lors de sa résidence. S’exprimant à travers une grande variété de médiums, l’artiste présente des peintures, sculptures et vidéos qui témoignent de ses réflexions. Spécialement pour le Mémorial, il a également conçu des installations immersives à partir d’éléments collectés sur le terrain.

«Faire de l’art à Verdun, travailler sur la guerre dans un pays en paix depuis 80 ans, alors qu’elle fait rage à quelques centaines de kilomètres, dans des conditions presque similaires, ou qu’un peu plus loin, un pays est bombardé de façon incessante, m’a beaucoup questionné. La plupart des artistes de l’époque étaient eux-mêmes engagés dans cette guerre loin de leur atelier. Pourquoi faire de l’art ? Pourquoi ici ?

C’est à partir de mes premières incursions, seul, en forêt, que j’ai mieux compris ce que je faisais là. Verdun, aujourd’hui, n’est plus un champ de bataille, c’est un cimetière, un cimetière sans tombes, une forêt pleine de vie qui recouvre encore les corps de 90 000 disparus.

J’y ai passé de longues heures de jour comme de nuit, souvent sans bouger, en y dormant même, notamment dans un profond trou d’obus. Ou encore en m’enfonçant tout droit, sans m’arrêter, à travers des sous-bois non gérés depuis la fin de la guerre, des lieux qui “t’agrippent” comme dirait l’historien du Mémorial, Nicolas Czubak. Sans objectif artistique, sans crayon ni appareil photo, sans autre volonté que d’être simplement là, à habiter cette forêt, cette terre chargée.

C’est par ces temps d’immersion totale, à travers les saisons et les éléments que mon travail artistique a veritablement pris forme, au delà des archives et des témoignages d’époque. Un jour, en voyant des arbres coupés, alignés au sol, j’ai vu des gisants. C’est alors que j’ai compris que ces arbres étaient les descendants, les habitants de ce champ de bataille.

Dans mon travail, la place du visiteur est essentielle. Il n’y a pas de figure humaine ou de détails dans mes peintures et mes dessins. Quel que soit le format, même tout petit, je veux que celui ou celle qui les regarde puisse s’y plonger physiquement, visuellement, par la vibration instable et naturelle de l’encre ou du crayon sur le papier, comme un veilleur dans la nuit.

Le visiteur est invité, comme j’ai moi-même pu l’expérimenter sur le champ de bataille, à se frotter concrètement à la matière, à sentir la présence de son corps, de sa conscience, de sa propre mort même. Et ainsi se relier par la terre, par les racines, ne serait-ce qu’un court instant, à ces descendants qui semblent nous regarder et nous avertir.»

Thibault Lucas, artiste plasticien


Fleury-devant-Douaumont
1 avenue du Corps Européen

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+33 (0) 3 29 88 19 16
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Jusqu’au 31 décembre

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