Starmania, le grand retour

par | 3 février 2023 | Culture

Thomas Jolly monte l’opéra rock de Michel Berger et Luc Plamondon : sous l’impulsion du metteur en scène iconique, Starmania devient une envoûtante fable sombre. Entretien.
 

 

D’où vient votre passion pour Starmania ? 

Je l’ai découvert grâce à mes parents qui avaient, comme beaucoup, l’album mythique, le premier, le bleu. Adolescent, je l’écoutais dans ma chambre, comprenant qu’il y avait quelque chose de profondément théâtral autour de ces personnages – aux noms tout droit sortis d’une bande dessinée, Stella Spotlight, Johnny Rockfort, etc. – dont les chansons me fascinaient. 

Vous avez mis en scène de nombreux opéras (bientôt Roméo et Juliette de Gounod à Bastille, 17/06-15/07) : était-ce un rêve de vous attaquer à Starmania ?

Oui ! Mettre en scène une comédie musicale a toujours été dans un coin de ma tête et je m’étais dit que Starmania était la plus alternative, la plus rock, la plus singulière, la plus iconique. Je l’ai dit et j’ai été entendu [Rires], recevant un appel de Thierry Suc (le producteur de Starmania, NDLR) un beau jour de mars 2019, qui m’a proposé de rencontrer Luc Plamondon et Raphaël Hamburger, le fils de France Gall et Michel Berger.

Ces chansons sont en quelque sorte devenues autonomes, détachées, dans l’esprit du public, de l’histoire contée dans l’opéra rock…  

Pour moi, il était essentiel de remettre le récit en lumière, de replacer ces chansons légendaires dans leur contexte narratif. Je suis parti de la version originelle de 1979, puisque dans les suivantes des personnages avaient été coupés, certaines chansons aussi ! Starmania était une dystopie visionnaire à la fin des années 1970 : aujourd’hui, force est de constater que le réel a rattrapé la fiction. 

Parmi les personnages disparus, vous ressuscitez le Gourou Marabout : qui est-il ? 

Starmania se déroule quelques jours avant le deuxième tour de l’élection du président de l’Occident : il est un écologiste radical et l’adversaire de Zéro Janvier, mais c’est un personnage ambivalent possédant une face sombre. C’est lui qui chante Paranoïa, chanson parlant des fake news, du complotisme…

Que dit Starmania au spectateur de 2023 ? 

Il s’agit d’une œuvre noire et nihiliste, mais tout ce qui est raconté nous renvoie à de vraies interrogations. Dans un monde où la peur est omniprésente, où l’image trompe et manipule, où chacun est replié sur lui-même, où l’individualisme et l’égoïsme règnent en maîtres, ne serait-il pas temps d’inventer d’autres façons d’être ensemble ? Les questionnements que suscitent Starmania sont à trouver en miroir d’une œuvre où tous les personnages cherchent un sens à leur existence… sans y arriver. Et vous ? Telle est la question renvoyée aux spectateurs !  

Comment mettre en scène ces questionnements ? 

Dans l’œuvre, deux forces s’opposent, dont une très noire – celle de l’individualisme, de la dépression, de la vacuité – tirant les protagonistes vers le bas. Pour y échapper, chacun est attiré par la lumière, mais c’est pour s’y brûler les ailes. Pour moi, Starmania est une relecture contemporaine du mythe d’Icare, qui tente de s’échapper du labyrinthe conçu par Dédale. Ce dernier a d’ailleurs plusieurs traits communs avec la ville de Monopolis, où se déroule l’action de la comédie musicale. Dans la mise en scène, j’ai voulu combiner des éléments telluriques sombres – comme des escaliers brutalistes – avec d’autres, immatériels, qui sont des faisceaux de lumière : ces deux forces sont aussi dangereuses l’une que l’autre ! 

 

Au Zénith de Strasbourg du 10 au 12 février

Au Galaxie d’Amnéville les 17 et 18 février

Au Zénith de Dijon du 24 au 26 février

starmania-officiel.com

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