Pour son deuxième long-métrage, Aude Léa Rapin invite Adèle Exarchopoulos et Souheila Yacoub sur Planète B, thriller d’anticipation dystopique.
Après Les Héros ne meurent jamais, road-movie traitant de réincarnation présenté au Festival de Cannes, en 2019, vous revenez avec une histoire de science-fiction complètement assumée. Comment est-elle née ?
Le début de l’écriture de Planète B a été marqué par le mouvement des Gilets jaunes et le premier confinement, en 2020. Cet environnement a fait naître le concept du film, qui consiste à emprisonner des gens, des militants, dans une prison mentale et virtuelle. Aussi, pendant le Festival de Cannes, en 2019, j’ai cherché à fuir un peu cette ambiance et suis montée dans un TER, au hasard. Par la fenêtre, j’ai aperçu un lieu étrange pendant quelques secondes, et j’ai décidé de m’y rendre. C’était un hôtel en bord de mer, à flanc de falaise, qui m’a de suite donné envie d’imaginer l’histoire de personnes qui se réveilleraient là, sans savoir pourquoi, ni comment en sortir. On a eu la chance que les propriétaires acceptent que nous l’utilisions comme lieu de tournage. C’est un peu un mélange de Punishment Park, Lost et Hunger Games, avec l’esthétique de Far Cry.
L’intrigue suit le parcours de Julia, activiste incarcérée dans cette cage idyllique et jouée par Adèle Exarchopoulos, ainsi que celui de Nour, femme de ménage exilée de son pays d’origine, interprétée par Souheila Yacoub. Qu’est-ce qui vous a inspiré ces personnages ?
Pour Nour, tout part de ma rencontre avec Mohamed, journaliste irakien chassé de son pays et menacé de mort. Courant 2020, je l’ai rencontré, nous sommes devenus amis, et il a véritablement fait naître le personnage à ce moment-là. C’est son histoire. Sa jeunesse a été brisée, il fait la plonge dans un restaurant alors que c’est un intellectuel, et même si, aujourd’hui, il est en sécurité, il faudrait un miracle pour qu’il revoie ses parents. Il a d’ailleurs participé au tournage et a enseigné l’arabe irakien à Souheila. Quant à Julia, j’ai puisé mes références parmi les opposants au barrage de Sivens, aux Mégabassines de Sainte-Soline, à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, mais aussi à travers Greta Thunberg, Youth for Climate, les manifestations pro-démocratie à Hong Kong… Des militants et une jeunesse qui cherchent à protéger leur environnement, à se battre, et qui suscitent la haine tout en étant violemment réprimés.
Pourquoi avoir opté pour ces deux actrices ?
Une fois que j’ai vu Adèle dans le film Rien à foutre, je voulais absolument que ce soit elle. On lui a envoyé le scénario et elle a tout de suite dit oui. Il y avait quelque chose de très évident, comme avec Souheila, que j’ai découverte dans la pièce Tous des oiseaux de Wajdi Mouawad. Ce qui est drôle, c’est que je l’ai contactée une semaine seulement après que Denis Villeneuve lui ait demandé de jouer dans Dune 2. Elle était tellement heureuse de donner la réplique à Adèle !
Quelles sont les scènes que vous avez préféré tourner ?
Les séquences de dialogues entre Adèle et Souheila, très intimistes car elles ne doivent pas être repérées, sont merveilleuses à voir pour un réalisateur. J’ai également énormément aimé mettre un pied dans le côté horrifique (les personnages sont torturés dans la prison virtuelle, NDLR), ce qui me donne envie de pousser le curseur, à l’avenir. Maintenant, je comprends le plaisir que l’on peut avoir à imaginer des films d’horreur, ce doit être extrêmement drôle à jouer, devant et derrière la caméra.
Au cinéma depuis le 25 décembre
Produit par Les Films du Bal et Wrong Men