La Femme à barbe a une barbe

par | 8 mars 2023 | Idées

Comment mieux célébrer, aujourd’hui, la Journée internationale des droits des femmes qu’en compagnie de Clémentine Clattaux ?

Née le 5 mars 1865 à Chaumousey (Vosges) dans une famille d’agriculteurs, la jeune fille voit se développer, dès sa puberté, une pilosité hors norme. La lèvre supérieure de sa bouche se garnit régulièrement d’un duvet qu’elle doit fréquemment raser. Depuis, la Faculté a donné à cette pathologie très bien renseignée le nom de « hirsutisme » : « apparition chez la femme d’une pilosité dans des zones normalement glabres (visage, poitrine, etc.) ».

À vingt ans, poils ou pas poils, mais pile-poil, la fille Clattaux se marie avec un boulanger de Thaon-les-Vosges, Joseph Delait. Le métier de boulanger est pénible et Joseph souffre d’arthrose. Le couple se reconvertit très vite et ouvre dans la petite cité à l’industrie alors prospère un débit de boisson.

Notre Clémentine est une maîtresse-femme. Elle sait gérer les piliers de bistrot, les tapageurs et les clients à l’alcool mauvais. Elle excelle dans son nouveau métier. Mais il arrive un jour, en 1901 – Clémentine a alors 36 ans –, qu’un de ses clients turbulents la met au défi : « Je te file 35 louis [5.000 euros actuels], si tu ne te rases plus ! »

Que fait-elle ? Elle relève le défi et ne se rase plus. Quelques semaines plus tard, elle arbore une jolie barbe. Son mari Joseph fait changer l’enseigne de l’estaminet, qui devient « Le Café de la Femme à barbe ». Le bistrot ne désemplit pas. On vient de loin la voir et se faire servir par elle. Elle pose pour des photographes, une cinquantaine de cartes postales sont réalisées par des éditeurs : la légende de la femme à barbe est née.

Mais c’est la Grande Guerre qui va donner à cette femme de légende une aura particulière. Clémentine a 49 ans lorsqu’elle s’engage dans la Croix Rouge. Elle devient aussitôt la mascotte des Poilus.

Barnum a vent de son succès français. Il lui propose, après guerre, des ponts d’or pour réaliser des tournées internationales. Elle refuse. Elle tient toujours son bistrot à Thaon-les-Vosges. Elle y propose des spectacles de cabaret, dont elle est, avec sa barbe, l’unique vedette. Elle a acheté un perroquet, qui l’accompagne sur scène.

Parfois, elle daigne fermer son établissement pour se rendre à Londres à l’invitation du prince de Galles ou à Vittel à l’invitation du Chah d’Iran. Mais notre vaillante Clémentine ne veut pas quitter les Vosges. C’est l’Europe entière qui se déplace alors à Thaon pour la voir.

Clémentine Delait s’éteint à Epinal le 19 avril 1939, à l’âge de 74 ans. Cinq ans plus tard, sur les ondes la BBC, un message sera diffusé : « La femme à barbe va être rasée. » Il signifiera le bombardement d’Epinal par les Alliés.

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