Les oiseaux ne se cachent plus pour mourir

par | 23 mai 2023 | Culture

Rossignol

La prestigieuse revue PNAS (Proceedings of the national academy of sciences of the United States of America) vient de publier, dans son édition du 15 mai 2023, une étude qui, loin d’être alarmiste, n’en demeure pas moins très alarmante. En seulement quarante ans, le nombre d’oiseaux a décliné de 25 % en Europe, tandis que 60 % des espèces peuplant les espaces agricoles disparaissaient. En cause, l’intensification des pratiques agricoles.

Une étude incomparable sur 40 ans

Dirigée par deux scientifiques du CNRS et associant de nombreux chercheurs européens, l’étude conduite au long cours a permis de recoller quarante années de données statistiques. C’est une première. Jamais auparavant, une entreprise de cette ampleur n’avait abouti. Il a fallu aux scientifiques assembler et comparer des données aussi disparates que la hausse des températures moyennes, l’étalement urbain, la diminution des surfaces naturelles et forestières ou encore l’évolution des pratiques agricoles.

Pour la première fois, les scientifiques ont assemblé le jeu de données le plus complet jamais réuni en Europe : 40 années de data concernant 20.000 sites de suivi écologique réparti dans 28 pays européens et ciblant 170 espèces d’oiseaux différents.

Le résultat est effroyable. Chaque année, 20 millions d’oiseaux disparaissent de nos paysages : 800 millions d’oiseaux en moins peuplent nos alentours depuis le début des années 1980. La disparition des oiseaux est le signe d’une « dégradation environnementale profonde », selon les termes de Vincent Devictor, chercheur au CNRS, qui a co-dirigé l’étude.

Et la France dans tout ça ?

Il ajoute : « La France est un bon miroir de la situation européenne : elle figure néanmoins parmi les pays dont la surface agricole exploitée de manière intensive est la plus élevée mais aussi parmi ceux dont cette surface a le plus augmenté récemment. La température a également augmenté d’environ 1 °C entre 1996 et 2016, la surface artificialisée est supérieure à la moyenne européenne et la couverture forestière inférieure à la moyenne européenne même si elle s’est accrue depuis 1996. Le nombre d’oiseaux agricoles et forestiers a diminué de 43 % et 19 % respectivement. Le nombre d’oiseaux nichant en milieu urbain a lui augmenté de 9 %. Certaines espèces ont vu leur population chuter de manière spectaculaire : – 75 % environ pour le moineau friquet, le tarier des prés et le pipit farlouse, par exemple. »

Peut-on s’accommoder de ces baisses significatives d’oiseaux ? Évidemment que oui. Il suffit, pour ce faire, de contempler son propre nombril et d’en prendre la photo, à longueur de journée, que l’on publiera sur Insta, sur Tik-Tok, sur Twitter, sur Facebook. Mais les hommes, les vrais, les êtres humains, les vrais, eux qui savent, depuis Aristote, être des animaux avant d’être des politiques, que feront-ils ?

Redonnons la parole à Vincent Devictor : « Ce déclin illustre la répercussion des activités humaines sur tout un groupe d’espèces aux exigences très différentes. Plus directement, les oiseaux sont impliqués dans des interactions fondamentales dans les écosystèmes : prédation et régulation d’autres espèces, dissémination des graines, ressources pour d’autres espèces prédatrices. Leur disparition met ainsi en péril l’ensemble des écosystèmes. »

Des solutions ?

Pensons donc à la reconstruction de nos écosystèmes. Pensons au renouvellement de nos pratiques agricoles, qui nous nourrissent. Pensons aussi à un aménagement du territoire écologiquement soutenable. Pensons à la poésie, enfin, qui est la fin ultime de toute âme humaine :

Rossignol

Comme un vol criard d’oiseaux en émoi,
Tous mes souvenirs s’abattent sur moi,
S’abattent parmi le feuillage jaune
De mon coeur mirant son tronc plié d’aune
Au tain violet de l’eau des Regrets
Qui mélancoliquement coule auprès,
S’abattent, et puis la rumeur mauvaise
Qu’une brise moite en montant apaise,
S’éteint par degrés dans l’arbre, si bien
Qu’au bout d’un instant on n’entend plus rien,
Plus rien que la voix célébrant l’Absente,
Plus rien que la voix – ô si languissante ! –
De l’oiseau que fut mon Premier Amour,
Et qui chante encor comme au premier jour ;
Et dans la splendeur triste d’une lune
Se levant blafarde et solennelle, une
Nuit mélancolique et lourde d’été,
Pleine de silence et d’obscurité,
Berce sur l’azur qu’un vent doux effleure
L’arbre qui frissonne et l’oiseau qui pleure.

(Paul Verlaine)

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