Francis Laffon : plume sensible, voix humaine

par | 22 mai 2023 | Culture

Francis Laffon

Il revient. Et il est très content ! Francis Laffon est de retour à Mulhouse. Attention : ce n’est pas au journal L’Alsace, dont il a été le rédacteur en chef pendant de nombreuses années, que vous pourrez le rencontrer, mais sur la scène du Théâtre Poche Ruelle. Il y donne vendredi 26 mai un récital, après s’être produit à Illzach, Strasbourg, Uffholtz, Bergères-sous-Montmirail, Bordeaux, Laguepie, Paris ou encore Châteaunef-de-Bordette. Rencontre avec Francis Laffon.

Pendant quarante ans, vous avez été journaliste et pas n’importe lequel puisque vous avez dirigé tour à tour les pages Économie, le bureau parisien puis la rédaction de L’Alsace. Vous voilà désormais auteur-compositeur-interprète. Est-ce bien raisonnable ?
Je ne vois pas de contradiction entre les deux métiers, mais plutôt une prolongation. Je n’ai pas beaucoup d’imagination et je ne sais pas inventer de belles histoires. Mes chansons sont plutôt des « chansons-reportages ». Dans le journalisme comme sur scène, il s’agit de décrire le monde tel qu’il est avec une grande simplicité. La seule différence est que la chanson offre davantage de liberté, car elle permet plus de distanciation, d’humour de second degré.
Je dois à la vérité d’ajouter que la chanson m’a permis de quitter le journalisme sans aucune nostalgie, puisque j’avais devant moi une nouvelle vie qui s’ouvrait, avec de belles perspectives.

Votre passion pour la chanson est récente ?
Pas du tout. Elle remonte à loin, puisque j’ai eu la chance d’avoir, au lycée de Wissembourg, un professeur de français qui s’appelait Jean-Pierre Hubert. C’était un grand auteur de science-fiction, mais également un musicien averti, qui a initié des générations de lycéens à Brel, Brassens ou Ferré. Il était également très impliqué dans la vie culturelle locale. Il m’avait demandé d’écrire une chanson pour le festival qu’il venait de créer à Wissembourg. C’était un vrai « metteur en confiance ». Je l’ai interprétée sur scène, accompagné au piano par Jean-Marie Hummel. Puis je suis allé faire mes études à Strasbourg, à l’IEP puis à l’école de journalisme. J’ai fait un peu de cabaret avec Raymond Roumegous. Roger Siffert m’a appris mes premiers (et derniers) accords de guitare. J’étais jeune journaliste quand Harry Lapp m’a invité à chanter à la Foire aux Vins de Colmar. Je me suis produit en première partie de Ricet Barrier. Et ce chanteur, qui était alors en vogue, m’avait encouragé à écrire mes propres textes si je voulais persévérer dans le métier.

Et vous n’avez pas continué ?…
Non, je suis entré dans le journalisme comme on entre dans les ordres : j’étais journaliste à 100 %, un « monomaniaque » de la presse. Nous étions d’ailleurs tous dans le même état d’esprit, quand je pense à des anciens confrères et amis, tels que Daniel Riot ou Jean-Louis English, eux aussi journalistes en immersion totale.

Mais le désir d’écrire, de composer, de chanter vous avait-il totalement quitté pendant plus de quarante ans ?
Pas vraiment. Il revenait parfois. Notamment quand, au sein du journal, le temps n’était pas au beau fixe. J’ai même recommencé à chanter, quand j’étais en poste à Paris. Mais au moment même où ma passion me rattrapait, on m’a fait revenir à Mulhouse pour diriger la rédaction de L’Alsace.

Depuis quelques années, les choses deviennent vraiment sérieuses. Vous vous produisez sur de nombreuses scènes dans toute la France, accompagné de votre pianiste, Antoine Delprat, et de votre violoncelliste, Amos Mâh. En 2020, vous enregistrez même votre premier album…
… avec un sens du timing absolument remarquable, puisque notre premier concert devait se dérouler à Paris le premier week-end du premier confinement. Il a évidemment été annulé.

Dans cet album, on perçoit des influences mêlées, qui ne sont pas sans évoquer les noms de Bourvil, de Reggiani ou encore de Juliette.
La Tendresse de Bourvil compte parmi les chansons les plus emblématiques du répertoire. J’ai eu la chance de voir Reggiani sur scène : il arrive à donner de la force à des textes tout simples. Quant à Juliette, son inventivité est prodigieuse. Mais ce serait un peu désobligeant pour ces grands de la chanson de me comparer à eux. Dans ma carrière professionnelle, j’ai dirigé la rédaction de L’Alsace et nous étions tous conscients que, par rapport aux DNA, nous étions dans la situation du Télégramme par rapport à Ouest France, celle du challenger. Dans la chanson, c’est un peu la même chose : il y a les grands et d’autres qui le sont moins. Quand on est petit, comme moi, ce qui compte n’est pas la notoriété ou le succès, mais de savoir exister avec un ton personnel.

Ce « ton personnel », on le perçoit à l’écoute de la première chanson de votre album : Wissembourg. N’est-ce pas un pari risqué, vous qui vous produisez partout en France, de commencer un récital par un texte évoquant la cité baignée par la Lauter ?
J’étais de votre avis, jusqu’à ce qu’Amos Mâh, qui a assuré la direction artistique de l’album, me convainque de placer cette chanson en tête de liste. C’est également un hommage que je rends, par-delà la mort, à Jean-Pierre Hubert, qui fut mon professeur de lycée et mon ami. Enfin, cela ne me déplaît pas du tout d’être un ambassadeur de l’Outre-Forêt. À la sortie des concerts, Wissembourg compte d’ailleurs parmi les chansons les plus appréciées du public.

Et la Salsa des Alsaciens recueille-t-elle les mêmes faveurs?
Elle fait rire tout le monde, Alsaciens ou pas. C’est la dernière chanson du récital. Se moquer de soi-même est, à mes yeux, une hygiène mentale d’une absolue nécessité.

Vous nous faites entendre des chansons très drôles, mais d’autres sont d’une rare émotion… Je pense notamment à La fleur qui ne meurt jamais ou encore À Jeanne Garnier. Quelle est l’histoire de ces deux textes ?
Ce sont des histoires très simples. À la mort de son grand-père brésilien, ma petite-fille était éplorée. À Noël, quand nous lui avons demandé ce qu’elle voulait comme cadeau, elle a répondu : « Une fleur qui ne meurt jamais ». Quant à la chanson sur Jeanne-Garnier, qui est le grand établissement parisien spécialisé en soins palliatifs, j’ai voulu évoqué un moment douloureux et personnel que j’ai vécu.

Enfin, une chanson totalement surprenante : Commémoration…
… C’était le 27 janvier 2005. J’étais en Pologne, à Auschwitz, pour couvrir les cérémonies du 60e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz. Jacques Chirac était présent ainsi que Simone Veil. Sur la carte d’accréditation que les journalistes et les membres des délégations avaient reçue figurait la mention « VIP ». J’ai trouvé cela particulièrement déplacé et c’est ainsi que j’ai écrit cette chanson : « malaise infini d’être ici, d’être en vie, en VIP »…

Quelques jours avant de vous produire sur la scène du Théâtre Poche Ruelle, le trac commence-t-il à monter ?
Mulhouse est une ville chère à mon cœur. J’y ai beaucoup d’amis. Je crois que tout va bien se passer.

Récital de Francis Laffon
Théâtre Poche Ruelle
18 rue du Ballon, Mulhouse.




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