Opéra : tout va mal, très mal

par | 6 juin 2023 | Idées

Opéra du Rhin

Depuis le début de l’année, 192 productions ont été supprimées des scènes lyriques françaises. Les grandes maisons sont passées à l’heure des économies d’échelle. En Alsace, l’Opéra du Rhin a réduit le nombre de représentations du Conte du tsar Saltane, de Rimski-Korsakov, comme de l’œuvre-phare de Monteverdi, Le Couronnement de Poppée.

L’opéra coûte cher

À Montpellier, rien ne va plus : on est dans une dèche telle qu’on remplace des opéras programmés par des versions concertantes. Directeur de l’Opéra de Nancy, Matthieu Dussoulliez s’est confié hier à nos confrères de Libé : « Nous sommes dans une impasse. Tout augmente, sauf les subventions. L’inflation se retrouve à tous les niveaux : l’énergie, les transports, la maintenance. Sans oublier la masse salariale : la hausse du point d’indice des agents publics représente pour nous un surcoût de 400.000 euros, que les pouvoirs publics ne compensent pas. Nous sommes donc obligés de rogner sur la marge artistique et, par conséquent, nous n’avons plus aujourd’hui les moyens de faire tourner la maison à plein régime. »

Œuvre totale par excellence, qui mobilise tout à la fois un orchestre, des voix, une mise en scène, des effets spéciaux (que l’on appelait autrefois deux ex machina), l’opéra coûte cher. Très cher. Mais toujours beaucoup moins cher qu’une émission quotidienne produite par Cyril Hanouna sur C8 ou par Yann Barthès sur TMC. Émissions qui se portent, quant à elles, très bien, malgré la crise et la conjoncture.

L’opéra coûte moins cher que son oubli

Que conclure de cet état de fait ? Une chose très simple, à savoir qu’il est toujours plus lucratif d’abaisser l’esprit plutôt que de l’élever. Ravaler l’esprit humain en sa fange la plus abjecte a toujours garanti des dividendes plus fermes à ceux qui croient que l’ironie facile, la dérision empruntée, le sarcasme à l’emporte-pièce sont maîtres de tout art. C’étaient des succès toujours formidables pour le théâtre obscène des années 100 de notre ère, quand des prostituées étaient saillies par des ânes sur scène ; elles en mourraient, les pauvresses. Et dans les années 1900, force est de reconnaître que le Pétomane du Moulin Rouge, alias Joseph Pujol, de Marseille, rencontrait davantage de succès que l’immense Sarah Bernhardt.

Que vaut donc Monteverdi face à nos nouveaux pétomanes ? Rien. Absolument rien. Rien quand on a accepté qu’un pet issu de l’intestin valait mieux que toute production de l’esprit. En bonne philosophie, on appelle ça le nihilisme. Et c’est lui qui triomphe. Avec lui, gloire à la bêtise et aux bêtes. Gloire à l’idiotie et aux idiots. Et demain, quoi d’autre ? Gloire au fascisme et aux fascistes. Peut-être. Sans doute. Rien n’est moins sûr.

Gloire à la bêtise et à l’idiotie

Parce qu’une société qui délaisse l’opéra et Monteverdi pour aduler les nouveaux pétomanes qui peuplent et saturent son époque se condamne tout entière à finir dans la merde.

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