Le printemps des féminismes

Le printemps des féminismes

Strasbourg. Aux Bibliothèques idéales, un programme ambitieux pour célébrer les femmes et leurs combats.

Du 17 au 19 mars 2023, les Bibliothèques idéales organisent leurs premiers « détours » à l’Aubette de Strasbourg. Ceux-ci ont vocation à jalonner, de manière assurément impromptue, l’année culturelle strasbourgeoise. Ils ne veulent pas être un simple « festival off », mais une surprise. Que vaut d’ailleurs aucun détour s’il n’offre à celui qui l’emprunte aucune surprise, aucun panorama nouveau, aucune idée nouvelle ? Le but de ces détours-là, nous confie François Wolfermann, chef d’orchestre des Bibliothèques idéales, est de mieux prendre part, ici à Strasbourg, aux grands débats contemporains, ceux qui traversent le monde et la société.

S’il est un sujet qui, aujourd’hui, alimente, en France, débats animés et passions contradictoires, c’est bien celui du féminisme. Voire des féminismes ! Évidemment. Car aucune question en la matière ne semble plus jamais faire l’unanimité. Tout, au contraire, paraît être un sujet de discorde. Il est loin de nous le temps – c’était en 1949, lorsqu’elle publiait chez Gallimard Le Deuxième Sexe –, où Simone de Beauvoir ralliait derrière elle tout ce que la France comptait de féministes, suscitant aussi un scandale durable.

Le premier tour de force de ces « détours » est de réunir, en un seul week-end, plus de trente personnalités issues du journalisme, de la littérature et de l’université. Beaucoup de femmes, trois hommes que nous avons pu compter sur nos doigts. Pis ! un seul d’entre eux arbore une mâle moustache, Edwy Plenel : #NoPassaranMoustachophobe.

Le deuxième tour de force est de réunir, dans un même mouvement, dans une même salle, sur un même plateau, des invitées aussi différentes que Tristane Banon et Rahma Adjad, Julie Gayet et Amanda Castillo, Barbara Pravi et Mémona Hintermann.

Le troisième tour de force est de débuter ce week-end par un dialogue, un peu hors du temps, entre Emmanuelle Lambert et Antoine Compagnon autour de Colette, au moment où l’on célèbre le 150e anniversaire de la naissance de l’auteur (pardon auteur ou autrice de Sido. Et ce n’est pas le moindre des tours, car c’est un vrai détour qui nous ramène, plus certainement qu’aucun autre, à la vérité la plus stricte et la plus exigeante : la vérité humaine n’est jamais recelée ni dévoilée en même temps, tout entière, autre part que dans ce qu’on appelle la littérature. Ici. Pour toujours. Et nulle part ailleurs.

Tout le programme du « Temps des féminismes » est ici.

La Femme à barbe a une barbe

La Femme à barbe a une barbe

Comment mieux célébrer, aujourd’hui, la Journée internationale des droits des femmes qu’en compagnie de Clémentine Clattaux ?

Née le 5 mars 1865 à Chaumousey (Vosges) dans une famille d’agriculteurs, la jeune fille voit se développer, dès sa puberté, une pilosité hors norme. La lèvre supérieure de sa bouche se garnit régulièrement d’un duvet qu’elle doit fréquemment raser. Depuis, la Faculté a donné à cette pathologie très bien renseignée le nom de « hirsutisme » : « apparition chez la femme d’une pilosité dans des zones normalement glabres (visage, poitrine, etc.) ».

À vingt ans, poils ou pas poils, mais pile-poil, la fille Clattaux se marie avec un boulanger de Thaon-les-Vosges, Joseph Delait. Le métier de boulanger est pénible et Joseph souffre d’arthrose. Le couple se reconvertit très vite et ouvre dans la petite cité à l’industrie alors prospère un débit de boisson.

Notre Clémentine est une maîtresse-femme. Elle sait gérer les piliers de bistrot, les tapageurs et les clients à l’alcool mauvais. Elle excelle dans son nouveau métier. Mais il arrive un jour, en 1901 – Clémentine a alors 36 ans –, qu’un de ses clients turbulents la met au défi : « Je te file 35 louis [5.000 euros actuels], si tu ne te rases plus ! »

Que fait-elle ? Elle relève le défi et ne se rase plus. Quelques semaines plus tard, elle arbore une jolie barbe. Son mari Joseph fait changer l’enseigne de l’estaminet, qui devient « Le Café de la Femme à barbe ». Le bistrot ne désemplit pas. On vient de loin la voir et se faire servir par elle. Elle pose pour des photographes, une cinquantaine de cartes postales sont réalisées par des éditeurs : la légende de la femme à barbe est née.

Mais c’est la Grande Guerre qui va donner à cette femme de légende une aura particulière. Clémentine a 49 ans lorsqu’elle s’engage dans la Croix Rouge. Elle devient aussitôt la mascotte des Poilus.

Barnum a vent de son succès français. Il lui propose, après guerre, des ponts d’or pour réaliser des tournées internationales. Elle refuse. Elle tient toujours son bistrot à Thaon-les-Vosges. Elle y propose des spectacles de cabaret, dont elle est, avec sa barbe, l’unique vedette. Elle a acheté un perroquet, qui l’accompagne sur scène.

Parfois, elle daigne fermer son établissement pour se rendre à Londres à l’invitation du prince de Galles ou à Vittel à l’invitation du Chah d’Iran. Mais notre vaillante Clémentine ne veut pas quitter les Vosges. C’est l’Europe entière qui se déplace alors à Thaon pour la voir.

Clémentine Delait s’éteint à Epinal le 19 avril 1939, à l’âge de 74 ans. Cinq ans plus tard, sur les ondes la BBC, un message sera diffusé : « La femme à barbe va être rasée. » Il signifiera le bombardement d’Epinal par les Alliés.

Christstollen

Christstollen

Demain, c’est Noël. Une fois n’est pas coutume, vous ne tenez pas la permanence téléphonique de SOS Détresse Amitié, mais vous allez réveillonner chez votre voisin du dessus, M. Preskovitch. Or, vous ne savez pas quoi apporter à cet homme de goût. Vous hésitez. De succulents doubitchous faits à la main puisque roulés sous les aisselles ou encore un délicieux kloug au cacao de synthèse – il connaît, il a tout ? Essayez donc de réaliser un authentique Stollen : c’est fin et ça se mange sans fin !

Qu’il s’appelle Stollen, Christstollen ou Weihnachtstollen, ce gâteau nous vient assurément d’Allemagne et son origine se perd dans la nuit des temps. C’est un gâteau à pâte levée, parsemé de fruits secs, de fruits confits et d’épices. Il en existe de nombreuses variantes et chaque famille en possède sa recette propre.

Ingrédients

500 g de farine
100 g de sucre
200 ml de lait demi-écrémé
30 g de levure de boulanger
100 g de beurre à température ambiante
200 g de raisins secs (sultanines)
50 g d’amandes
50 g de noisettes
50 g d’oranges et de citrons confits
30 cl de rhum

Préparation

1. Faire macérer dans le rhum les fruits confits et les raisins secs toute une nuit. Si vous êtes pressé par le temps, faites chauffer le rhum et trempez-y les fruits pendant une heure. Concassez amandes et noisettes.

2. Faites un levain rapide. Dans un bol, émiettez votre cube de levure boulangère (ou votre levure sèche) dans un peu de lait tiède, un peu de farine et un peu de sucre. Donnez 10 petites minutes à ce mélange pour qu’il commence à s’activer.

3. Mélanger le sucre, la farine, le lait et la levure dans un récipient.

4. La pâte commence à se décoller ? C’est le signe que vous pouvez y ajouter peu à peu les morceaux de beurre.

5. Un peu d’activité physique ne nuit jamais : pétrissez la pâte, malaxez-la, tout en chantant à tue-tête Les Mains d’une femme dans la farine de Claude Nougaro.

6. Si vos voisins n’ont pas alerté la police et que nous n’avez pas été placé encore en garde-à-vue pour tapage sonore, ajoutez à votre belle petite pâte les fruits macérés dans le rhum ainsi que les fruits secs.

7. Il vous reste certainement un peu de rhum ? Vous avez deux heures pour finir la bouteille. Ça tombe bien : c’est le temps qu’il faudra à votre pâte pour se reposer à température ambiante.

8. Couper votre pâte en deux pâtons de taille plus ou moins égale. Façonner chacun d’eux en forme de rouleau (Stollen en allemand signifie « rouleau »). Placer ces deux rouleaux sur une plaque à pâtisserie et laissez-les se développer pendant trois heures.

9. Vous avez préchauffé votre four à 180°C (thermostat 6) ? Parfait ! Enfournez vos deux Stollen pendant une heure. Ils vous en remercieront.

10. Sortez vos Stollen du four et, en tâchant de ne pas vous brûler, placez-les sur une volette. Ne sont-ils pas beaux et appétissants ? Ils le seront encore davantage si vous ne vous arrêtez pas en si bon chemin. À l’aide d’un pinceau de cuisine, badigeonnez généreusement vos gâteaux encore chauds de beurre fondu et saupoudrez-les encore plus généreusement de sucre glace.

Variantes

Pour un Stollen plus épicé : ajoutez à l’étape 3 un soupçon de cannelle, de badiane, de gingembre, de vanille ou encore de cardamome en poudre. Evitez toutefois le poivre, le cumin ou le curry.

Casse-Noisette : vous pouvez légèrement faire torréfier dans une poêle vos amandes et vos noisettes concassées. Vous pouvez également varier les plaisirs et ajouter à ces fruits secs des noix, des pistaches, des pignons de pin, etc.

Pour un Stollen plus fruité : dans certaines villes allemandes, le Stollen ressemble à une vraie Cassata sicilienne ! Rien ne vous interdit donc d’ajouter à votre recette des fruits confits comme l’angélique, la cerise, le cédrat, la clémentine, le kumquat et même le gingembre. Essayez aussi d’intégrer des fruits secs non confits : abricot, figue, etc.

Pour un Stollen au massepain : à l’étape 8, étendez votre pâton sur votre plan de travail en vous aidant d’un rouleau à pâtisserie, placez de la pâte d’amande à l’extrémité supérieure de la pâte étalée et roulez vers vous le pâton pour y enfermer la pâte d’amande.

En bref

Le Stollen est aimant. Il est tolérant. C’est vous qui déciderez, avec vos propres goûts et votre propre expérience, ce qu’il sera. Tous les Stollen sont différents, mais tous sont égaux en droit et en dignité. Tentez l’aventure et impressionnez, demain soir, M. Preskovitch !

Entre le bœuf et l’âne gris

Entre le bœuf et l’âne gris

Une crèche n’est pas simplement la réunion de la Sainte-Famille autour d’un heureux événement. La Nativité n’est rien sans le bœuf et l’âne, qui ont beaucoup de choses à nous dire.

La crèche que nous connaissons remonte à saint François d’Assise. Le soir de Noël 1223, il organise à Greccio, petit village du Latium, la première crèche vivante de l’histoire. François est allé en pèlerinage à Jérusalem, il a été marqué par sa visite à Bethléem. A Greccio, il veut offrir aux Italiens un Bethléem « grandeur nature », loin des dangers et des périls d’une Terre Sainte sous domination ottomane. Il veut surtout incarner l’Incarnation, c’est-à-dire rendre plus sensible aux yeux des chrétiens ce que célèbre Noël : Dieu s’est fait homme.

La Crèche, incarnation de l’Incarnation

Toute la théologie de François d’Assise tient, au fond, dans la crèche, incarnation de l’Incarnation, comme elle tient également dans les stigmates dont il sera marqué, signes de sa passion de la Passion. Les redondances syntaxiques traduisent ici une surabondance théologique.

À Greccio, François choisit une grotte pour y célébrer la messe de Noël. Des villageois y interprètent les personnages de la crèche. On place même un bébé dans la mangeoire. Pour parachever le tout, on fait venir un bœuf et un âne aussi. Pourquoi cette présence animale dans la crèche ? Nulle part, elle n’est mentionnée dans l’évangile de Luc, qui constitue pourtant le récit le plus complet de la Nativité. Certains historiens avancent que c’est là pure invention de saint François, dont chacun connaît l’affection qu’il porte à la Création et à toutes les créatures. Plus « scrupuleux », d’autres vont chercher l’explication dans l’évangile du pseudo-Mathieu, apocryphe du VIe siècle : « Marie entra dans l’étable, elle mit son enfant dans la crèche, et le bœuf et l’âne l’adorèrent. » Evidemment, tout cela est bien attrayant et correspond assez parfaitement à la perspective franciscaine. Mais un petit détail nous chiffonne. Personne n’a attendu le XIIIe siècle pour inclure un bœuf et un âne dans les représentations de la Nativité. Depuis très longtemps, les deux animaux figurent presque partout, jusqu’à devenir indissociables de Noël. Mieux encore : on les retrouve sur des sarcophages du IVe siècle – deux cents ans avant que l’évangile du pseudo-Mathieu ne soit rédigé…

Au IVe siècle, le bœuf et l’âne sont déjà là

Conservé au Museo Nazionale de Rome, le sarcophage de Marcus Claudianus (notre illustration) représente la vie de Jésus. Il figure d’une manière assez particulière la Nativité : un enfant couché dans une mangeoire et veillé par un âne et un bœuf. À Milan, dans la basilique Saint-Ambroise, le sarcophage de Stilicon (IVe siècle) est encore plus parlant : tous les autres personnages de la Nativité ont disparu, seuls sont représentés pour la figurer un enfant emmailloté dans une mangeoire, un bœuf et un âne. Il suffit donc au IVe siècle de représenter un nouveau-né et les deux animaux pour que chacun comprenne immédiatement la signification de la scène.

Nous pouvons en déduire que, dans l’Eglise des premiers siècles, le bœuf et l’âne ne sont pas des éléments accessoires de la Nativité : ils y jouent un rôle considérable. Ils doivent même occuper, dans la pastorale, une place centrale. Or, nous rencontrons ici un léger problème : les évangiles canoniques ne mentionnent absolument pas les deux animaux. D’où tire-t-on, au IVe siècle, cette référence ? Elle provient d’Isaïe : « Le bœuf connaît son propriétaire, et l’âne l’étable de son maître, mais Israël ne la connaît pas, mon peuple ne comprend pas. » (Is., I,3.)

Les chrétiens du Ier siècle entendent l’évangéliste Luc leur dire : « Marie enfanta son fils premier-né, elle l’emmaillota et le coucha dans une crèche. » (Luc, 2,7.) La crèche (phatnê, en grec ; praesepium, en latin), c’est la mangeoire, l’auge et, par synecdoque, l’étable. Ils vont donc rechercher dans les Ecritures tous les éléments qui anticipent, annoncent et justifient le récit de l’évangéliste. Il s’agit d’ancrer le Nouveau Testament dans l’Ancien, quitte à inverser la méthode midrashique en faisant de Jésus le point vers lequel tout converge. Et bingo ! le texte d’Isaïe est là. C’est bien le prophète Isaïe qui tient la lisière du bœuf et de l’âne, et fait rentrer les deux animaux dans la crèche.

Deux animaux pour une théologie pas si bête

La première fonction de ces deux figures animales est, donc, de montrer l’accomplissement que représente la Nativité : la naissance du Christ était annoncé par les Ecritures.

Bêtes de somme, le bœuf et l’âne vont se charger d’autres significations au cours de l’histoire. Les Pères de l’Eglise ne seront pas en reste pour alourdir le bât. Au IVe siècle, Grégoire de Nysse écrit : « Le Bœuf, c’est le Juif enchaîné par la Loi ; l’Âne, porteur des lourds fardeaux, c’est celui que chargeait le poids de l’idolâtrie. » Dans les mêmes années, Ambroise de Milan consacre l’âne comme une représentation des païens. Il précise que la seule réalité historique de la crèche, c’est l’enfant qui vient de naître : le bœuf et l’âne ne sont que des allégories. « Tu entends, écrit-il, les cris de l’enfant, mais tu n’entends pas les beuglements du bœuf. »

Accomplissement de la première Alliance et signes que le Christ est venu pour sauver les Juifs aussi bien que les Gentils : voilà ce que nous disent l’âne et le bœuf. Leur présence n’indique pas simplement l’étable, dans laquelle on les trouve naturellement. Elle nous enseigne que Noël est destiné à tous. Voilà, du moins, ce que comprenait le chrétien des premiers siècles, qui avait fait du bœuf et de l’âne les figures centrales de la Nativité.

Assange, nouvel Ulysse ?

Assange, nouvel Ulysse ?

De tous les grands guerriers que la Grèce a engendrés, Ulysse fut certainement le plus rusé, le plus intelligent, le plus madré, le plus roublard aussi. C’est lui, nous dit Homère, dans L’Illiade, qui concocta le stratagème du « cheval de Troie », que chacun connaît et qui a mis fin à dix ans de siège de la mythique ville. Encore aujourd’hui, les informaticiens craignent les chevaux de Troie (Trojan horses), ces logiciels malveillants qui abordent les systèmes d’une façon pacifique pour mieux les saborder. N’ayons pas peur des mots ni des anachronismes : Ulysse fut le premier hacker de l’Histoire. Mais ce genre de carrière ne dure pas très longtemps. Le jour vient nécessairement où un dieu prend contre vous son arrêt définitif et vous condamne au pire. Au demeurant, c’est ce qui est arrivé à notre bon Ulysse : il éborgne un cyclope, fils de Poséidon, et ce dernier devient très colère. Le dieu des mers envoie alors Ulysse se faire voir, non pas chez les Grecs comme c’était assez courant de le faire à l’époque, mais d’île en île, de tempête en tempête, de vague en vague, de port en port, vingt ans durant. Et cela constitue le point de départ de toute L’Odyssée, d’Homère.

Un « Forum théâtral » dédié à Julian Assange

Cela étant, comment peut-on, au Théâtre National de Strasbourg (TNS), qui est une belle et grande maison, où l’on honore de manières diverses le répertoire comme la création contemporaine, accomplir le moindre rapprochement entre Ulysse et Julian Assange, jusqu’à produire un « Forum théâtral » intitulé Assange Odysseia,, proposé par Sarah Datoussaid et Sarah Siré. Il n’y a évidemment, en apparence, rien de commun entre le personnage mythologique d’Homère et l’instigateur de WikiLeaks. En apparence, seulement. Car le théâtre (comme la littérature ou comme la poésie) est ce lieu privilégié où l’on s’intéresse toujours à tout autre chose qu’aux apparences. « L’objet du théâtre, ce sont les passions humaines. Rien d’autre », disait Philippe Lacoue-Labarthe. Rien de ce qui est humain n’est étranger au théâtre.

Et le risque est fort pour que cette Assange Odysseia, pari audacieux, soit un pari réussi. Parce qu’au-delà des siècles, au-delà de la différence substantielle entre un héros mythologique et l’un de nos contemporains sur lequel pèse une légère peine de 175 années de réclusion (la justice américaine ne fait jamais dans la demi-mesure), il reste une nature humaine qui passe les siècles et fabrique, pour chaque époque, de nouveaux héros. Ulysse et Assange sont rusés et intelligents. Ils furent tous deux des hackers. Ulysse a dû fuir la vindicte de Poséidon. Après les révélations de WikiLeaks, Assange fut contraint de se mettre à l’abri de l’Administration américaine qui, républicaine autant que démocrate, n’a jamais lâché le morceau – on aurait aimé voir le président Biden suspendre les poursuites.

Mais une malédiction supplémentaire s’est abattue sur Julian Assange : la tempête de Poséidon, celle qui se déchaîne en permanence depuis quelques années, dans les réseaux sociaux, dans les chaînes d’information en continu et qui submerge en trente secondes une information la remplaçant aussitôt par une autre.

Un espace de débats et de confrontations

Qui, aujourd’hui, s’intéresse encore à Julian Assange ?… Personne. Où s’y intéresse-t-on ? Nulle part.

Sauf au théâtre, évidemment. Parce que le théâtre (comme la littérature, comme la poésie) demeure le seul moyen de pouvoir faire une pause dans la succession d’images, d’informations et de nouvelles qui nous noient (malédiction toujours de Poséidon, que le divin Homère a placé sur nos petites têtes !), pour ouvrir un espace de débats et de confrontations.

Ouvrons donc le débat ! Quelques-uns ont d’ores et déjà annoncé leur participation ferme et définitive : Rafael Correa, Baltasar Garzón, Jennifer Robinson, Nancy Hollander, Amnesty International, Geoffroy de Lagasnerie, Wikileaks, Françoise Tulkens, Julien Pieret, Marie-Laurence Hébert-Dolbec, Milo Rau, la FIJ, Stephania Maurizi, Denis Robert, Diane Bernard. Les Strasbourgeois seront heureux de revoir, à cette occasion, Françoise Tulkens, qui fut longtemps juge belge à la Cour européenne des droits de l’Homme. D’autres noms de participants devraient suivre. C’est certain : les débats seront riches. On y passera la nuit. Nous vous tiendrons au courant.

Au TNS, le 24 janvier 2023.

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