Jean Moulin est-il mort à Metz ?

Jean Moulin est-il mort à Metz ?

Le 8 mai 2023, le président de la République, Emmanuel Macron, s’est rendu à Lyon pour prononcer un discours d’hommage à Jean Moulin. Si le grand résistant alias Max a été torturé, en juin et juillet 1943, dans la prison lyonnaise de Montluc, on ignore encore en revanche les circonstances exactes de son décès.

La fermeté d’âme de Jean Moulin

Les historiens savent que Jean Moulin est arrêté le 21 juin 1943 à Caluire-et-Cuire (Rhône). Il est aussitôt interné avec d’autres résistants à la prison de Montluc. Identifié comme chef de la Résistance intérieure, il est conduit, quotidiennement, avenue Berthelot, pour subir les interrogatoires et les tortures de la Gestapo. Plusieurs fois, il tente de se suicider afin de ne pas livrer à l’ennemi les secrets que lui seul connaît. Il est ensuite transféré à Paris, au siège de la Gestapo, avenue Foch ; puis à Neuilly, dans la résidence du chef de la Gestapo en France, le Sturmbannführer-SS Karl Bömelburg.

Quinze jours durant, Jean Moulin tient bon face aux interrogatoires et à la torture. Berlin s’impatiente et ordonne son transfert. Le 8 juillet, gare de l’Est, la Gestapo charge alors le corps agonisant de l’ancien préfet dans un train, direction la capitale du Reich-qui-durera-mille-ans.

De profondes ténèbres

C’est là où tout entre dans de profondes ténèbres. Jean Moulin meurt. Mais rend-il son ultime souffle à Metz, selon certains témoignages, ou à la proximité de Francfort, selon d’autres témoignages ?

Le 2 février 1944, c’est-à-dire huit mois après la mort de Jean Moulin, un officier d’état-civil transcrit sur les registres de la Ville de Metz alors annexée l’acte de décès en date du 8 juillet 1943. Les causes de la mort ? « Herzlähmung » (arrêt cardiaque)… C’est là où se manifeste le concept de « banalité du mal » forgé en 1963 par Hannah Arendt au moment du procès Eichmann : la pire des barbaries toujours est celle qui est administrée normalement, consignée même sur des registres d’état-civil, avec un art assumé de l’euphémisme.

Une énigme pas encore éclaircie

Mais l’énigme de la mort de Jean Moulin ne s’arrête pas là. Le 9 juillet 1943 arrive, gare de l’Est, la dépouille d’un « ressortissant français mort en territoire allemand ». Le corps est aussitôt incinéré, puis les cendres sont déposées dans la case 10137, au colombarium du cimetière du Père Lachaise.

En 1945, la famille de Jean Moulin obtient le déplacement des cendres dans le carré des Résistants du célèbres cimetière parisien. Ce sont ces mêmes cendres qui seront transférées, le 19 décembre 1964, au Panthéon. Sont-elles réellement celles de Jean Moulin ? Avec son grand biographe, Jean-Pierre Azéma, on ne peut que l’espérer.

Asperge : l’Alsacienne qui nous vient d’Algérie

Asperge : l’Alsacienne qui nous vient d’Algérie

La saison de l’asperge bat son plein et les 220 producteurs alsaciens s’affairent chaque jour à récolter les précieux turions. Mais la star printanière de la gastronomie alsacienne n’a pas toujours été présente dans les champs et sur les tables : il a fallu attendre 1873 pour la voir apparaître entre Vosges et Rhin.

Une culture étrange importée d’Algérie

Cette année-là, le pasteur Heyler prend ses fonctions à Hoerdt. Il revient d’Algérie. Il a exercé son ministère pendant plus de dix ans à Philippeville, l’actuelle Skikda, à une soixantaine de kilomètres de Constantine. Là bas, il a découvert une culture étrange : l’asperge blanche. Elle pousse dans le sable algérien. Pourrait-elle croître dans la terre sablonneuse de Hoerdt ?

À la manière d’un Bouvard ou d’un Pécuchet (le roman de Flaubert paraît en 1881), le pasteur fait des essais dans le jardin de son presbytère. C’est un succès. Heyler s’emploie alors à convaincre les agriculteurs hoerdtois de développer la culture de l’asperge.

L’exercice est difficile : il faut attendre trois ans avant que chaque plant ne se mette à produire. Trois ans de travail sans toucher un sou vaillant ? Beaucoup sont réticents – on les comprend. Quelques-uns se laissent, cependant, convaincre. Une vingtaine. C’est qu’on croit encore à la parole d’un pasteur. Et puis, de toute façon, cette terre trop sablonneuse et trop pauvre n’a jamais pu rien donner d’autre qu’un peu d’herbe à pâturage et de tabac, alors pourquoi ne pas adopter cette plante étrange venue d’ailleurs ?…

Asperge de Hoerdt : la belle renommée

En quelques années, tous les agriculteurs de Hoerdt se convertissent à la culture de l’asperge. Puis toutes les familles du village.

C’est que l’asperge de Hoerdt a acquis une vraie renommée et se négocie désormais à bon prix chez les primeurs de Strasbourg, de Paris, d’Allemagne et du Luxembourg. Autrefois pauvre, Hoerdt s’enrichit.

On travaille dur et on apporte tout son soin à la culture exigeante de l’asperge. On rénove les fermes. La vie locale s’anime de multiples fêtes, de messti et de carnavals. Hoerdt devient pimpante.

La belle étrangère

Venue d’Algérie, l’asperge a transformé durablement la vie quotidienne des Hoerdtois. Elle a changé leurs perspectives. Venue d’Afrique, elle leur a donné une nouvelle identité. Originaire de l’autre rive de la Méditerranée, elle a su également prendre une place de choix dans la gastronomie alsacienne : nos printemps gourmands seraient beaucoup moins attrayants sans la belle étrangère.

Alsace : tempête dans les bénitiers

Alsace : tempête dans les bénitiers

Rien ne va plus dans le diocèse d’Alsace. Une véritable crise agite l’institution millénaire. Elle est profonde. En cause : l’autoritarisme que ferait peser l’archevêque de Strasbourg, Mgr Luc Ravel, sur son clergé. Mais les choses sont plus compliquées. S-mags a mené l’enquête.

Une visite apostolique aux conclusions accablantes

Le 27 juin 2022, une « visite apostolique » débute dans l’archevêché de Strasbourg. Conduite par Mgr Stanislas Lalanne, évêque de Pontoise, cette « visite apostolique » est une procédure assez exceptionnelle dans la vie de l’Eglise. Ce n’est franchement pas une visite de courtoisie, mais plutôt un mixte entre la commission d’enquête et l’inspection générale des services. Elle a été diligentée par le pape François, qui reçoit depuis plusieurs mois des plaintes sur la façon dont Mgr Ravel assure la « gouvernance » de son diocèse.

Jusqu’au 14 juillet 2022, les visiteurs apostoliques mandatés par Rome auditionnent plus de trente personnes, prêtres et laïcs du diocèse de Strasbourg. Les témoignages que recueille Mgr Lalanne sont accablants et le rapport que l’évêque de Pontoise remet à Rome ne l’est pas moins. Sont notamment en cause la gestion pyramidale du diocèse, le peu de cas fait des agents pastoraux ou encore la remise de deux paroisses à une société de prêtres traditionalistes, les Missionnaires de la Miséricorde Divine.

Mgr Ravel refuse la position démissionnaire

Le rapport atterrit sur le bureau du pape François. Le Souverain Pontife est embarrassé. N’est-ce pas lui qui a choisi de nommer Mgr Ravel à l’archevêché de Strasbourg ? N’a-t-il pas, lui-même, commis une erreur d’appréciation manifeste en nommant dans cet archidiocèse si particulier un évêque qui n’avait pas de véritable expérience pastorale de terrain ?

François s’est trompé, François doit trancher. Il demande alors au cardinal Ouellet, préfet du Dicastère pour les évêques, la démission de Mgr Ravel. Fin 2022, l’archevêque de Strasbourg est convoqué à Rome. On lui signifie la volonté du souverain pontife.

Mais Mgr Ravel est bien décidé à refuser la position démissionnaire. Le Vatican s’agace du peu d’empressement de l’archevêque de Strasbourg à quitter ses fonctions. Un ultimatum lui est fixé à la fin février 2023. En bon fils de l’Eglise, Mgr Ravel obéit à l’injonction romaine, mais la lettre qu’il envoie est tellement « alambiquée » qu’elle n’est pas recevable comme démission.

Le pape en aurait assez de danser le boléro (de Ravel)

Rien ne filtre de l’actuel état d’esprit du pape, même si l’on peut pressentir qu’il est passablement exaspéré que l’archevêque de Strasbourg persiste à vouloir lui faire danser le boléro.

Au Dicastère pour les évêques, l’affaire strasbourgeoise est en pause : depuis le 12 avril, on est tout occupé à accueillir le successeur du cardinal Ouellet à la tête de l’institution.

Mais, selon certains vaticanistes bien informés, cela ne souffre plus aucun doute : Rome est bien décidée à sortir de « l’impasse Ravel ». Régler ce problème fera certainement partie des priorités de Robert Francis Prevost, archevêque américain et tout nouveau patron de la congrégation des évêques.

Que reproche-t-on à Mgr Ravel ?

Au juste, que reproche-t-on à Mgr Ravel ? Si le rapport de la visite apostolique n’a pas été rendu public (à l’exception de quelques éléments très généraux qui ont pu ressortir en « off »), les langues se délient dans le diocèse alsacien. Elles se délient d’autant plus après l’éviction brutale de Mgr Kratz, évêque auxiliaire depuis plus de vingt ans, du conseil épiscopal.

Ancien doyen de la faculté de théologie catholique de Strasbourg, le père Marcel Metzger frappe fort. Il parle d’une « erreur de casting » du Vatican et regrette que Mgr Ravel « fonctionne de manière militaire ».

Un prêtre mulhousien nous confie : « En consacrant ma vie au Seigneur, c’est son Église que j’ai voulu rejoindre, pas une caserne. » Un curé strasbourgeois précise l’analyse : « Nous n’avons jamais connu une telle situation avec un évêque, même du temps de Mgr Elchinger, qui avait la réputation d’être très autoritaire. Mais Mgr Elchinger avait beau vouloir décider de tout, il s’intéressait véritablement à ses prêtres. Chose dont on ne peut malheureusement pas suspecter Mgr Ravel… »

Les prêtres alsaciens que nous avons interrogés sont unanimes : Mgr Ravel est un intellectuel brillant, qui n’hésite jamais à voir très loin et même très haut. Il a une tendance assez prononcée à ne jamais écouter personne et à être convaincu d’avoir toujours raison de tout : c’est un défaut que l’archevêque de Strasbourg partage, assez communément, avec beaucoup de ses condisciples de Polytechnique. Mais ce qui heurte le cœur des prêtres alsaciens, c’est le sentiment que leur archevêque ne semble jamais prêter aucun intérêt à la pâte humaine que forment le clergé et les fidèles de son diocèse.

« Quand il n’est pas à Paris et qu’il daigne se rendre dans l’une ou l’autre de nos paroisses présider une fête patronale, nous dit un autre prêtre, il n’est pas rare de le voir partir sans saluer quiconque… »

« Mgr Ravel a toujours d’excellentes idées, nous rapporte un curé strasbourgeois. Il avait pris la décision que les confirmations des jeunes strasbourgeois se dérouleraient à la Cathédrale et qu’il les confirmerait lui-même. Malheureusement, le jour venu, il était retenu en dehors du diocèse. C’était une déception. »

« Lorsque pour le Jeudi Saint, je n’ai reçu aucun mot, aucun mail, aucun sms de mon évêque, nous confie un jeune prêtre assez traditionaliste du diocèse, je me suis dit : je crois vraiment que je n’existe pas. »

« C’est un homme qui a des jours avec et des jours sans, nous dit un autre prêtre strasbourgeois. Lorsque j’ai démissionné de mes fonctions diocésaines, j’ai envoyé à Mgr Ravel une lettre de trois pages, lui expliquant que le sujet sur lequel j’étais investi ne l’intéressait visiblement pas et que dès lors je devais lui remettre ma démission. Il m’a fait parvenir aussitôt une lettre très sèche : « Vous avez manqué de respect sur le fond et sur la forme à votre archevêque. » Mais, quelques jours après, Mgr Ravel me convoque pour un entretien. Nous passons deux heures très cordiales, très humaines et même très sympathiques à aborder ensemble plein de sujets. Et nous parlons d’égal à égal. »

Chez nos interlocuteurs, jamais aucune haine ni même aucune animosité envers Luc Ravel. Tout juste le sentiment d’être méprisé, ignoré, abandonné. Et c’est peut-être pire. Je demande à un prêtre : « Et s’il fallait se faire l’avocat du diable, comment défendre Mgr Ravel ? » Il me répond : « Il ne s’agit pas de le défendre, mais de l’aider. »

Le complexe obsidional

Au fil de l’enquête, une personnalité bien singulière se dessine. Un intellectuel catholique de haut vol, un visionnaire qui ne sait pas transformer ses grandes idées en actes concrets, un pasteur qui n’a pas l’art et la manière de guider son troupeau.

Car Luc Ravel a beaucoup de qualités. Elles sont énormes. Une seule lui fait défaut : il n’a pas le charisme de la pastorale – chose problématique, dès lors que le pape François redéfinit (c’était en février 2014) le rôle de l’évêque sur trois qualificatifs essentiels : kérigmatique, priant et pasteur. Luc Ravel coche les deux premières. Pas la troisième.

C’est qu’il y a, peut-être, chez cet homme (nous disons bien « peut-être ») comme une forme de timidité native et de réticence à aller vers les autres, d’isolement volontaire voire d’introversion.

Lorsque Mgr Ravel a été nommé archevêque de Strasbourg et qu’il a pris ses quartiers au 16 rue Brûlée, il n’a pas tardé à renvoyer le chauffeur, l’économe, la cuisinière. Souhaits d’économie et de pauvreté ? Certainement que oui. Mais isolement total. Dans le grand archidiocèse de Strasbourg, réputé très riche, mais qui chaque année, pourtant, accumule les déficits, au point où il faudra se résigner un jour à vendre les joyaux des Princes-Evêques, Luc Ravel s’est comporté en évêque Myriel, renouant avec le vœu multiséculaire de l’Église à la pauvreté. Qui pourrait le lui reprocher ? Et depuis, c’est la secrétaire de Mgr Ravel qui fait tout. Une sainte femme.

Dès son entrée en fonction, Mgr Ravel a cultivé l’isolement. Exemple. Une tradition fort établie était que l’évêque de Strasbourg célèbre, chaque matin, avant le petit-déjeuner, une messe dans la chapelle privée de l’évêché. Les évêques auxiliaires, les vicaires généraux, bref tous les prêtres qui habitent, vivent et forment la maisonnée épiscopale concélébraient chaque matin. Arrivant à Strasbourg, Mgr Ravel a fait cessé tout cela, préférant célébrer la messe tout seul ou avec sa secrétaire.

Un manque de charisme pastoral

Luc Ravel n’est franchement pas un méchant homme. C’est même un homme de bien. Seulement, il est évêque et il lui manque le charisme pastoral. C’est assez problématique. Excellent théoricien du « care » chrétien, il ne sait pas lui-même le mettre en œuvre dans son ministère quotidien. Rome trouvera tous les moyens ordinaires et extraordinaires pour sortir de cette crise.

Pas de Metz pour Bilal Hassani

Pas de Metz pour Bilal Hassani

Bilal Hassani devait donner un concert à Metz mercredi 5 avril. Il a été contraint de l’annuler face aux pressions de groupuscules d’extrême droite, relayés par la fachosphère et les représentants locaux du Rassemblement national. En cause : la salle où devait se dérouler le concert est une église désaffectée, Saint-Pierre-aux-Nonnains.

Patrick Thil veut « réparer l’affront

À la mairie de Metz, c’est la consternation. Le maire, François Grosdidier, ne mâche pas ses mots et n’hésite pas à parler de « terrorisme intellectuel » : « On peut aimer ou ne pas aimer Bilal Hassani, ce qui est inadmissible c’est qu’au nom d’une idéologie on annule un concert. C’est un recul de la liberté d’expression et une concession faite à des extrémistes homophobes. » Quant à l’adjoint à la culture de Metz, Patrick Thil, il annonce prendre contact avec l’artiste pour « réparer l’affront ».

Le terme d’affront est bien choisi. Il y en a trois dans cette affaire. Un affront à la culture. Un affront à la liberté d’expression. Et, peut-être plus grave encore, un affront à la vérité.

Beaucoup de mauvaise foi

Car, sous prétexte de défendre leur foi, les militants identitaires qui se sont mobilisés sont d’une extrême mauvaise foi : Saint-Pierre-aux-Nonnains n’est plus une église depuis 1552, lorsque Charles Quint assiégea Metz. Jusque dans les années 1920, l’armée employa l’édifice comme entrepôt à munitions.

Depuis les années 1980, Saint-Pierre-aux-Nonnains fait partie intégrante de la Cité musicale de Metz, qui compte d’autres salles de concert et d’exposition au passé religieux, comme les Trinitaires ou la Chapelle des Templiers.

Notons, au passage, que Saint-Pierre-aux-Nonnains, dont les fondations remontent au IVe siècle, était à l’origine un « palestre », une salle de gymnastique, le lieu de nudité par excellence dans l’antiquité. Nos ancêtres les Romains voyaient d’un œil mauvais ces endroits de perdition. Dans la République, Cicéron dénonce même les « attouchements » et les « amours » auxquels se livrent entre eux les jeunes citoyens au palestre.

Pourquoi donc s’indigner qu’un artiste homosexuel se produise dans un lieu fréquenté par les homosexuels depuis dix-sept siècles, sinon parce qu’il est homosexuel ? Parce qu’il est d’origine marocaine aussi. Car, chez ces gens-là, qui manifestent et qui s’indignent, qui affirment défendre les valeurs traditionnelles de la France et de l’Eglise éternelles, on n’aime pas trop les homosexuels. Et on n’aime encore moins les Marocains. Quant aux homosexuels d’origine marocaine…

Un traitement médiatique déroutant

Saint-Pierre-aux-Nonnains n’est plus une église depuis cinq siècles. Or, toute la presse titre, depuis hier, sur l’annulation du concert non pas dans un « ancien palestre » ni dans une « salle de spectacle », mais bien dans une « ancienne église ».

20 minutes : Metz : « Le concert de Bilal Hassani, prévu dans une ancienne église, est annulé. »
Le Monde : « Le concert de Bilal Hassani dans une ancienne église à Metz est annulé, après une vive polémique. »
La Dépêche : « Un concert de Bilal Hassani dans une ancienne église de Metz annulé après une polémique. »
France 3 Grand Est : « Annulation du concert de Bilal Hassani dans une église à Metz. »

L’extrême droite a réussi, par les menaces et l’intimidation, a annulé un concert. Elle est parvenue subrepticement à imposer aux médias son propre vocabulaire, c’est-à-dire le début de son idéologie.

Penser printemps !

Penser printemps !

Nous l’avions appris à l’école : l’équinoxe de printemps se produit chaque 21 mars. Or, depuis 2008, ce n’est plus vrai : l’équinoxe de printemps a lieu le 20 mars. Selon l’Institut de mécanique céleste et de calculs des éphémérides (IMCCE), il faudra même attendre l’année 2102 pour voir à nouveau le printemps débuter un 21 mars. Bon courage aux impatients ! En 2044, un fait extrêmement rare se produira même : l’équinoxe printanier tombera un 19 mars (du jamais-vu depuis 1796 !).

Y a plus de saison, ma brave dame !

Comment expliquer ce décalage de dates, autrement qu’en déclarant, l’air consterné : « Y a plus de saison, ma brave dame ! » La raison est simple : il existe un décalage entre l’année solaire et l’année tropique. La Terre ne met pas 365 jours pour accomplir sa révolution autour du soleil, mais 365 jours, 5 heures et 48 minutes. Les années bissextiles compensent bien le décalage, mais elles finissent par décaler la date des équinoxes.

Si l’on ajoute à cela que la vitesse de la Terre sur son orbite (seconde loi de Kepler) n’est pas uniforme, que la durée de l’année tropique varie en fonction des siècles et qu’il existe même une différence d’environ 20 minutes entre l’année tropique et l’année sidérale, les choses se compliquent : les spécialistes prédisent un écart de 3 jours entre le calendrier grégorien et l’année tropique moyenne dans les dix mille prochaines années. Un jour ou l’autre, il faudra donc réformer notre calendrier à la manière de ce que le pape Grégoire XIII avait fait en 1582.

Grégoire vs Jules

Qu’avait fait ce bon pape, à qui l’on doit la fondation de l’Université de Pont-à-Mousson (1572) ? Depuis l’Antiquité, le calendrier julien, doté d’un système d’années bissextiles, avait accumulé dix jours de retard par rapport au calendrier tropique. En février 1582, Grégoire XIII promulgua la bulle Inter gravissimas, supprimant purement et simplement dix jours du mois d’octobre de cette année. Les pays catholiques se plièrent à l’injonction papale, mais les pays protestants s’y refusèrent longtemps : il faudra ainsi attendre 1752 pour que l’Angleterre adopte le nouveau calendrier. Londres passa ainsi directement du mercredi 2 septembre au jeudi 14 septembre 1752.

Cervantès et Shakespeare

Cette divergence calendaire et religieuse aura des conséquences inattendues : on peut ainsi dire que les deux grands monuments de la littérature européenne que sont Miguel de Cervantès et William Shakespeare sont morts tous deux le 23 avril 1616, mais à dix jours d’écart (le premier dans le calendrier grégorien, le second dans le calendrier julien).

Pour autant, l’important, comme l’écrivait le philosophe Alain, n’est-il pas de « penser printemps » ?

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